Comme souvent quand il se retrouve seul en face-à-face avec un attaquant, le gardien suisse du Bayern Munich a fait un miracle mardi soir devant la star du PSG. Pourtant, l’expert Thierry Barnerat voit une grosse lacune dans cet exercice.
Comme une nuit de juin 2021, Kylian Mbappé n’a sans doute pas bien dormi entre mardi et mercredi. La raison est la même. Elle a un nom: Yann Sommer.
Après avoir arrêté le tir au but du Français en huitième de finale du dernier Euro – une parade décisive pour la qualification–, le gardien suisse a de nouveau fait son malheur mardi soir, lors du match aller du 8e de finale de la Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et le Bayern Munich (0-1). Plus précisément sur une action.
Même le média français RMC Sport a fait le clin d’œil
73e minute. Le PSG presse pour égaliser devant son public. Parfaitement lancé en profondeur, Mbappé élimine en vitesse le défenseur bavarois et se retrouve face à face avec le portier du Bayern. Légèrement excentré sur la gauche, l’attaquant parisien pousse un peu trop le ballon sur sa deuxième touche mais parvient quand même à le piquer dans les six mètres, alors qu’il se trouve à deux mètres de Sommer.
Le gardien de la Nati, qui n’a pas tenté de plonger pour chiper le ballon dans les pieds de son adversaire, réalise un exploit en détournant l’essai avec le haut de son torse. Et, comme très souvent, sort vainqueur d’un duel un contre un. Les fans de l’équipe de Suisse se souviendront par exemple du sauvetage du Bâlois devant l’Italien Berardi (0-0) au Parc Saint-Jacques en septembre 2021 lors des qualifs pour le Mondial. Ou encore de celui face à Choupo-Moting contre le Cameroun, au Qatar (voir la vidéo compilation au bas de l’article).
L’arrêt de Sommer face à Mbappé lors de PSG-Bayern, en vidéo 📺
«Oui c’est vrai, Yann est très fort dans cet exercice», valide Thierry Barnerat, instructeur des gardiens à la Fifa. Mais il apporte une nuance de taille:
«Sommer est extrêmement bon quand l’attaquant se trouve (et frappe) à environ entre sept et dix mètres de lui. Par contre, il est très vulnérable sur une distance inférieure»
– Thierry Barnerat, instructeur des gardiens à la Fifa –
Le Genevois, qui coache notamment Thibaut Courtois, gardien du Real Madrid, précise: «C’est justement la distance entre le gardien et le ballon, dans les pieds de l’attaquant, qui détermine la technique à adopter.»
Une belle maîtrise et un Portugais écœuré
Il se trouve que celle de Sommer sur une distance allant de sept à dix mètres est parfaite. «Dans cette situation, il est l’un des meilleurs portiers au monde», renchérit Thierry Barnerat. D’abord, c’est grâce à sa posture. «Elle est basse, avec les mains proches du sol», analyse l’expert. «Ça lui permet de capter plus facilement les ballons à ras-de-terre». Et puis, il y a aussi la distance entre le Suisse et sa cage, bien maîtrisée au point qu’elle empêche par exemple l’attaquant de piquer son ballon (ça ferait mouche avec un portier plus avancé).
Sommer sait aussi très bien orienter son corps, histoire de laisser le moins d’angles de frappe possibles à l’adversaire et d’opposer une plus grande surface au ballon. «En plus, Yann est très tonique et a une super lecture du jeu», complète Thierry Barnerat, ce qui permet au numéro 27 du Bayern d’avoir d’excellents réflexes.
Pour illustrer ses propos, le Genevois cite l’exemple d’un arrêt de Sommer contre le Portugal en 8e de finale de la Coupe du monde. Sur cette action (où l’attaquant frappe à environ sept mètres de Sommer), le gardien de la Nati fait tout juste et peut détourner le tir du Lusitanien👇
Zoom sur l’action L’action, en vidéo 📺
Une croix, un rebond salvateur et du biberonnage
Mais pour l’expert, l’arrêt héroïque du Suisse mardi soir face à Mbappé est davantage dû à la chance et la relative maladresse de la star du PSG qu’à une sortie parfaitement maîtrisée. «Quand le gardien est à cinq mètres ou moins du ballon, le geste technique idéal à réaliser est celui de la croix, or Sommer ne le possède pas dans sa palette», observe Thierry Barnerat.
«Faire la croix, c’est se lancer en avant devant l’attaquant en écartant les jambes et les bras au maximum, tout en restant droit avec le haut du corps. Ainsi, le gardien bouche tous les espaces: à sa gauche, à sa droite et au-dessus. C’est par exemple le type d’arrêt qu’a réalisé l’Argentin Emiliano Martinez en finale du Mondial face au Français Kolo Muani à la dernière minute des arrêts de jeu.»
– Thierry Barnerat –
La croix parfaite de Martinez face à Kolo Muani en finale de la Coupe du mondeMais attention, pour que le geste soit salvateur, il est impératif que le gardien le fasse dans le bon rythme. «S’il se lance trop tard, le portier risque de laisser passer le ballon sous ses jambes», prévient l’expert. «Il faut donc anticiper et déclencher le geste avant même la frappe de l’attaquant, pour arriver à temps sur le ballon avec l’une ou l’autre des parties du corps.»
Et c’est là où le bât blesse pour Sommer:
«Il se lance trop tard et ne déplie pas assez son corps. Du coup, ça laisse des espaces pour le tireur»
– Thierry Barnerat –
Selon Thierry Barnerat, c’est une chance que Mbappé n’ait pas parfaitement réalisé son action et qu’il y ait eu un petit rebond avant sa frappe, «parce que s’il glissait le ballon ras-de-terre, il passait sous Sommer et c’était goal.»
Pour exemplifier cette défaillance du dernier rempart helvétique, l’expert se penche sur le cinquième but portugais face à la Nati à la Coupe du monde. Sommer, délaissé par sa défense, s’est retrouvé seul face à Gonçalo Ramos et s’est jeté de manière approximative, en ne faisant pas la fameuse croix. Ramos n’a eu qu’à glisser le ballon sur la droite de Sommer, un espace insuffisamment couvert👇
Zoom 1 sur l’action Zoom 2 sur l’action
L’action, en vidéo 📺
Thierry Barnerat précise que ce manque de savoir-faire chez Sommer – l’une des rares lacunes de son jeu – est une question de génération. Des gardiens comme Anthony Lopes (32 ans, Lyon) ou Alisson (30 ans, Liverpool) n’ont pas non plus été biberonnés à la technique de la croix, contrairement à la toute jeune génération (Donnarumma au PSG, par exemple).
Ne reste plus qu’à espérer pour Yann Sommer et les Munichois que les Parisiens ne s’approchent pas seuls (trop) près de la cage au match retour (8 mars), ou alors que les jardiniers de l’Allianz Arena laissent quelques mottes dans les seize mètres pour favoriser les faux rebonds… En attendant, on vous laisse avec les plus beaux sauvetages, en vidéo, du portier de la Nati seul face à un adversaire👇
Les plus beaux un contre un de Sommer, en vidéo 📺