Sur le front, les soldats ukrainiens attendent davantage d’obus et de chars. Car les vieux T-64, quinquagénaires, montrent chaque jour leurs limites: obus coincés, fuites d’huile et moteur récalcitrant.
Dans un champ gelé de la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, un char T-64 ukrainien émerge d’un filet de camouflage, transformant la neige en boue sous ses chenilles. Depuis le début de l’invasion russe, il y a près d’un an, ces vieux engins souvent rouillés, datant de l’ère soviétique, ont mené la riposte ukrainienne contre les forces de Moscou, ciblant directement les positions ennemies à une courte distance ou bien plus profondément derrière leurs lignes.
Igor Khonko, le jeune tireur de 26 ans de l’équipage du T-64, n’a aucun doute sur le rôle clé joué depuis le début du conflit par la 1re Brigade de chars, à laquelle il appartient. «Pour moi, je vois cette guerre plutôt comme une guerre d’artillerie et d’armes lourdes, pas d’infanterie», explique-t-il à l’AFP, alors que le bruit sourd de canons proches déchire l’air matinal froid.
«Nous avons besoin de chars, parce que nous n’en avons pas de nouveaux.»
«Je pense que le cours de la guerre sera changé lorsque nous recevrons des armes lourdes: des chars, des véhicules blindés de transport de troupes et des roquettes à longue distance», poursuit le jeune homme, alors que les assauts russes ont redoublé d’intensité dans l’est du pays, ces derniers jours.
Peu de changements en 50 ans
Pourtant, ces nouveaux chars n’arriveront pas assez tôt, et le besoin le plus urgent est de disposer rapidement d’un nouveau stock de munitions. «En ce moment, nous manquons d’obus. À certains endroits du front, on utilise plus les chars que l’artillerie», regrette Igor Khonko. «Il peut arriver que vous tiriez 28 obus en dix minutes… Alors une fois que vous avez terminé, vous devez retourner en chercher de nouveaux.»
Son vieux T-64, fabriqué 24 ans avant sa naissance, montre chaque jour ses limites: des obus restent coincés au chargement, il y a des fuites d’huile et le moteur peut s’arrêter soudainement, obligeant à des réparations d’urgence. Signe de l’âge avancé de ces blindés, son collègue Volodymyr, 57 ans, a commencé à en conduire au milieu des années 1980, lorsqu’il était alors dans l’armée soviétique. Malgré quelques modifications, les engins n’ont pas beaucoup changé depuis.
Les Abrams sont «mieux protégés»
Le quinquagénaire, charpentier de profession, s’est engagé après l’invasion le 24 février 2022, à nouveau comme pilote de char. Il manœuvre habilement la machine de 38 tonnes à travers la campagne, à des vitesses pouvant atteindre 50 km/h, dans un rugissement assourdissant et un brouillard de fumée crachée par son moteur diesel. «Nous avons besoin de chars, parce que nous n’en avons pas de nouveaux», explique Volodymyr, après avoir coupé son moteur. Avec les anciens modèles, «une chose se casse, puis une autre, puis encore une autre. Les nouveaux ont de meilleures armes. Ils ne se cassent pas».
Igor Khonko, lui, est impatient d’être formé à l’utilisation des nouveaux modèles occidentaux, même s’il n’a vu que sur internet les M1 Abrams promis par les États-Unis. «La capacité de tir et les dégâts causés sont beaucoup plus élevés avec un char moderne. Le blindage est meilleur, l’équipage est donc mieux protégé», énumère-t-il. «Les Abrams ont le meilleur blindage au monde. Les Russes disent qu’ils ne seront pas adaptés à ce terrain, mais ça ira.»